mercredi 20 février 2008
Droits de l'homme, j'écris vos noms
Une fois de plus, Hervé Broquet réunit des auteurs francophones belges autour de lui pour éclairer, chacun à sa manière, un thême humaniste important. Aujourd'hui il s'agit des Droits de l'homme dont on fête l'anniversaire de sa déclaration prononcée, il y a soixante ans.
Il écrit en quatrième de couverture:
"Combat au quotidien, contre les cris des êtres plongés dans la tourmente ou contre la chape de plomb qui emmure des populations entières. Des enfants, des femmes, des politiques, des syndicalistes sont chaque jour victimes de violations de ces droits. Il suffit de lire les rapports internationaux pour en être conscients et mesurer qu'il suffit parfois de porter son regard sur un proche horizon, au coeur même de notre pays, afin de mettre au jour des pratiques qui, tout en étant moins graves, n'en sont pas moins condamnables.
Ce livre relit les articles de la déclaration, présentés dans leur intégralité, par le truchement intimiste d'écrivains francophones. Cette approche pédagogique devrait ainsi permettre à chacun de redécouvrir ce texte fondamental, de se l'approprier et de le faire vivre au sein d'un noyau commun de valeurs qui a pour nom Liberté, Egalité et Fraternité. "
Ont contribué à l'écriture de cet ouvrage:
Barbara Abel, Nicolas Ancion, Luc Baba, Isabelle Bary, Jean Botquin, Hervé Broquet, Eric Clémens, Bruno Coppens, Serge Federico, Nikita Gilles, Kenan Görgün, Thomas Gunzig, Françoise Houdart, Maureen Jamar, Eva Kavian, Aurelia Jane Lee, Pauline Legrand, Yun Sun Limet, Cathy Marchand-Van den Daële, Marine Massart, Lola Motte ,Françoise Pirart, Grégoire Polet, Stéphanie Reynders, Daniel Simon, Michel Torrekens, Régine Vandamme, Jean-Pierre Verheggen, Michel Voiturier, Evelyne Wilwerth.
lundi 18 février 2008
Déclaration des Droits de l'Homme - Article 8
et à tous ceux qui, en Belgique,
ont fait de la détention préventive
inutile et injustifiée
sans en être dédommagés
par l’Etat.
Charte des droits de l'homme - Art.8
Toute personne a droit à un recours
effectif devant les juridictions nationales
compétentes contre les actes violant les
droits fondamentaux qui lui sont reconnus
par la constitution ou par la loi.
L’affaire M. /Banque X.
Quand mon père est mort, début 1971, maman m’a demandé d’assister à la mise en bière. Pendant le travail, elle pleurait doucement dans la pièce à côté.
Mes parents formaient un bon couple, fidèle à toute épreuve. Je les vois encore sur la banquette arrière de leur Opel Kapitan que je conduisais pendant les vacances familiales sur les routes de France, en alternance avec mon frère. Ils se donnaient la main. Ils avaient été très amoureux, il en restait quelque chose, bien plus, sans doute, qu’il n’y paraissait à première vue.
L’homme qui soudait le cercueil pleurait aussi. C’était plus fort que lui, à chaque ensevelissement ses larmes coulaient. Après il sortait sa petite gourde de métal et buvait un coup.
Au téléphone, maman avait dit que papa avait eu une nouvelle hémorragie cérébrale, cette fois-ci sans pardon. J’entends encore sa voix qui s’étranglait pour me souffler: « Non, ce fut foudroyant, il n’a pas souffert. »
Depuis un certain temps, il n’avait plus toute sa tête. Il fallait le chercher parfois à plusieurs km de la maison, égaré, ne trouvant plus son chemin. Maman l’aidait à s’habiller pour qu’il ne mette ses vêtements tout de travers. Pour moi, ce n’était pas l’Alzheimer ni de la démence précoce, mais quelque chose d’indéfinissable, de sournois, la conséquence éloignée de ce que la Justice lui avait fait subir.
Beaucoup plus tard, maman m’avait confié gênée: « Après sa sortie de prison, il ne m’a jamais plus visitée, tu comprends ce que je veux dire... » J’ai compris, moi, combien l’injustice l’avait diminué.
L’église était comble. La famille, des clients, le personnel de la succursale qu’il avait dirigée, le Président de la banque à Bruxelles, des relations, quelques rotariens qui se souvenaient encore de lui. Monsieur le Président, celui de la Banque à Bruxelles, était venu faire une visite de condoléances à maman. Il n’a pas voulu saluer le corps pour ne pas abîmer le souvenir qu’il avait de papa, qu’il a dit. Il avait ajouté: un grand banquier, compétent, organisateur, travailleur, sept jour sur sept. Un homme extraordinaire. Pourtant, papa était un mort particulièrement beau, il n’aurait pas trahi le souvenir du Président. Quand j’ai ouvert la porte pour le laisser passer dans le hall, je me suis souvenu qu’il avait envoyé du foie gras à papa en prison. Cette fois-là, il n’avait pas non plus voulu le voir. Sans doute craignait-il déjà de ne pas le reconnaître. Peut-être n’aurait-il pas supporté la souffrance d’un homme injustement accusé ? Il fallait être prudent et s’imposer le silence si l’on ne voulait pas être soi-même inquiété, c’est ce que j’ai essayé de comprendre. Car toute la hiérarchie supérieure que papa désignait toujours sous le vocable de H(h)aute D(d)irection, tremblait d’être mise, à son tour, sur la sellette. Qu’avait-il fait de répréhensible, le banquier de province, qu’on avait arrêté, un beau matin, comme le Josef K. du procès de Kafka ?
J’ai appris son arrestation par la bouche de l’administrateur délégué qui m’a dit sans ménagement : « Si ce que l’on raconte de votre père est vrai, ce sera la plus grosse désillusion de ma vie. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. J’attend d’être mieux informé. »
Quand mon père a été emmené, menottes aux poignets, il était retraité depuis deux ans, après une carrière de 51 ans, de bons et loyaux services, comme on dit. Il avait commencé, en qualité de garçon de course, à 14 ans. Le soir, il suivait des cours de comptabilité. A 35 ans il accédait au poste de directeur.
Au moment des évènements dont je parle, moi, je venais de terminer mon stage dans la même banque, à Bruxelles. Je commençais à comprendre le métier de mon père. Est-ce que je serais capable de me dévouer pour la clientèle comme il l’avait fait ? Il exagérait un peu. Fallait-il se dévouer de pareille façon ? L’homme riche mérite-t-il plus d’estime et de soins que le petit épargnant ? En tout cas, quand j’ai vu le détail de ce qu’il nous laissa en héritage, j’ai été déçu. Toute une vie de labeur pour si peu de chose! A l’époque les dirigeants de banque étaient vraisemblablement moins bien payés qu’aujourd’hui. En outre, les années de guerre avaient écorné leurs économies. Mon père n’était pas dépensier. Il n’avait pas besoin, non plus, de dessous-de-table pour construire sa jolie maison, à la fin de sa carrière, une maison confortable sans plus car mon père était un homme simple. J’ai retrouvé dans un petit carnet le montant modique de son investissement et les ressources financières qu’il y avait affectées (la réalisation d’un petit portefeuille de titres). Contrairement à la conviction de la justice, papa était un homme foncièrement honnête. Un franc était un franc. Il ne devait rien à personne.
Comment peut-on accorder crédit aux déclarations mensongères d’un trafiquant (en laines) qui cherche à entraîner son banquier dans sa chute (j’obtenais tout parce que je lui graissais la patte...) sinon parce qu’on est borné et envieux des signes extérieurs de richesse des banquiers ? Donc banale histoire de pots-de-vin totalement incrédible.
Il faut savoir que l’analyse et le contrôle des crédits sont très structurés, que l’étalement des pouvoirs de décision entre différentes instances réduit considérablement l’influence éventuelle des clients sur les décideurs. Les analystes qui n’ont pas de contact avec la clientèle sont là pour tempérer les enthousiasmes éventuels des hommes de terrain. On ne leur fait pas prendre des vessies pour des lanternes. Ce sont des contrepoids salutaires.
Le petit juge d’instruction a cru que c’était arrivé. Il ne lâcherait pas sa proie. Un banquier à croquer tout cru, quelle aubaine. Le procès de sa carrière! L’avancement!
Le trafiquant qui avait reçu des crédits que le magistrat jugeait démesurés, le trafiquant qui trafiquait ses comptes, truquait ses gages marchandises, obtenait des financements sur de fausses opérations d’exportation (toutes choses qu’on ne découvrit qu’après) n’était que menu fretin à côté de l’immonde banquier, l’incarnation du capitalisme qui pourrit le monde. Les juges locaux se faisaient aider par des experts de la police financière pour comprendre les mécanismes de crédit et détricoter le trafic commercial du fabricant de laine. La police constata que les comptes de ce client aventureux étaient régulièrement soumis à des contrôles d’experts de la banque. Ce pouvait-il que ce client fut plus fort que son banquier qu’il aurait berné jusqu’à la fin? Si je vous en parle ainsi, c’est que j’ai consulté les paquets de dossiers que maman m’a remis après la mort de papa, et que j’ai examinés comme un auditeur interne, mon métier de fin de carrière. Je n’ai retenu qu’une seule erreur de papa: connaissant le client comme il le connaissait, le genre de vie qu’il menait (une vie dissolue et de fête- le champagne coulant à flot-les femmes...), il aurait du le mettre à la porte de la banque quand il était encore temps. Sans confiance, pas de crédit. Mais le banquier, même quand son éthique est irréprochable, considère parfois que l’argent n’a pas d’odeur. Cependant, Dieu sait si la laine de mouton sent mauvais. De plus est-ce que les banques feraient beaucoup de crédits si elles se préoccupaient chaque fois de la vie privée de leurs clients ? Et ce client aux moeurs douteuses était apparemment un homme avisé qui plaidait bien ses demandes d’augmentation de crédit dont il avait besoin pour financer son chiffre d’affaires en expansion.
Le banquier n’est pas infaillible, pas plus que cette magistrature de province qui longtemps se laissa emberlificoter par les explications de celui qui se présentait comme la victime de ses financiers. La presse judiciaire qui suivait les audiences fit la part belle à tous les ragots qui circulaient en ville. On lisait que papa, sous ses dehors vertueux, trompait ma mère avec la tenancière d’un bar. Qui s’assemble se ressemble. Selon cette presse, mon père ne valait pas mieux que l’escroc qu’il croisait dans les promenades à l’intérieur de la prison et à côté de qui, parfois, il était assis, menottes aux poings comme lui, dans le fourgon cellulaire. Personne ne nous fera croire que les enquêteurs restent insensibles au déchaînement éhonté des journalistes qui sont comme meute de chiens au moment de l’hallali.
Maman se montra digne en toutes circonstances. Je ne la vis jamais pleurer. Elle refusais de lire les journaux. Elle était convaincue de la rectitude de son mari mais en voulait à cette banque qui restait muette. Sans doute, cette banque pensait-elle que les erreurs de gestion, s’il en avait été commises, l’avait été en bas plutôt qu’en haut. Réaction classique. Elle craignait que l’arrestation de mon père débouche sur un gros procès en responsabilité du banquier qui augmenterait sensiblement les pertes du dossier litigieux. Il fallait vraiment se tenir coi. Moi-même, je fus orienté vers une fonction d’intérieur sans relation aucune avec la clientèle et cela pendant plusieurs années.
Mon père fut traité comme un truand, maintenu sous les verrous tant que l’instruction n’avait pas écarté le moindre soupçon d’une quelconque complicité. Le tribunal a prolongé la détention préventive pendant quatre mois comme si la mise en liberté de papa pouvait gêner les progrès de l’instruction financière. La lenteur des examens résultait de la complexité de l’Affaire M. comme les journaux le titraient désormais dans leurs colonnes. Les journalistes racontaient n’importe quoi, comme d’habitude. Ils ne comprenaient pas grand chose au fonctionnement du monde financier. La presse à sensation continuait à détruire l’image de mon père de façon scandaleuse. La bêtise du juge d’instruction le rendait intraitable comme un âne buté. Il ne voulait pas en démordre. L’avocat de mon père n’était pas un ténor. Il n’invoquait que des raisons humanitaires pour obtenir sa liberté. Papa avait soixante sept ans. Maintenir un homme de son âge en prison pour des faits dont rien ne prouvait qu’il fut seul, directement ou indirectement, responsable portait atteinte, selon moi, à la Convention universelle des Droits de l’Homme.
La détention préventive n’est pas une procédure de confort pour des juges incapables de se faire une opinion sur des allégations mensongères et diffamatoires. Au-delà d’une certaine durée, on verse dans l’arbitraire et la cruauté. La remise en liberté, dans le cas de mon père, ne pouvait troubler l’ordre public ni créer une quelconque insécurité pour les citoyens de la ville. Pour quelle raison se serait-il soustrait aux investigations de la justice alors qu’il n’était coupable que d’avoir fait confiance à un industriel qui ne le méritait pas ?
Quand après des mois l’Affaire M. fut enfin jugée, on assista à la condamnation de M. à 7 ans de prison seulement. Papa bénéficia d’un non lieu. Mais le mal était fait. Le vieil homme était détruit, il entra dans une tristesse profonde jusqu’à sa mort. Je ne le vis plus jamais sourire.
Après avoir purgé sa peine, M. partit en Argentine où il recommença son trafic. Bien mal lui en prit. Il se fit descendre par un truand de meilleure envergure que lui. Je ne me souviens plus si mon père vivait encore au moment de ce dénouement.
Je ne suis pas heureux de cette issue. Je m’en veux de ne pas avoir mieux défendu la mémoire de mon père. Quand la Loi du 13 mars 1973, instituant, enfin, un recours devant le ministère de la Justice, en réparation des dommages résultant des abus éventuels de la magistrature, assise et debout, en matière de détention préventive, papa était décédé depuis deux ans. En ma qualité d’héritier, j’aurais été en droit d’exercer ce recours, à sa place. Maman a continué à vivre jusqu’en 1996, avec le souvenir d’un mari prisonnier, diminué et souffrant. Pardon maman, je t’aurais peut-être aidée à alléger les séquelles d’une injustice dont tu as beaucoup souffert. Mais j’ignorais l’existence de cette nouvelle loi et les juristes qui auraient pu m’en informer m’ont laissé dans cette ignorance parce que je n’ai plus pensé à les consulter et qu’ils avaient oublié que papa avait existé.
Si je n’ai pas démissionné après l’arrestation de papa, c’est parce que je suis né dans cette banque qui avait, en ce temps-là, encore figure humaine. Cela n’aurait d’ailleurs pas rendu service à mon père. Après la fin du procès, ma carrière a repris une vitesse de croisière honorable, soutenue, je pense, - en dehors du fait que j’avais aussi mon ambition personnelle -, par le désir de mon employeur de réparer les torts que l’Affaire M. avait causé à ma famille. Dans les entreprises actuelles, issues de rachats et de fusions, la reconnaissance pour services rendus est un sentiment obsolète, les états d’âme n’ont plus cours. . C’est le rapport cours-bénéfice de l’action qui décide. Les employés et les cadres ne sont plus que des numéros. A partir d’un certain âge même ceux qui ont du mérite et de la compétence à revendre n’avancent plus. Ils coûtent trop chers. Je suis content d’avoir pris ma retraite.
Et, si c’était à recommencer, je pense que j’aurais été avocat plûtot que de faire comme papa dans la banque de papa. Je me serais spécialisé dans la défense des Droits de l’Homme. Rien ne m’aurait arrêté dans la poursuite de ceux qui instruisirent l’Affaire M. d’une façon abusive au mépris d’inculpés innocents. Car la liberté est un bien sacré dont on ne peut être privé à la légère. Les conséquences sociales, psychologiques et physiques pour les victimes d’abus de pouvoir discrétionnaire sont irréparables.
La loi du 13 mars 1973 fut modifiée par celle du 4 juillet 2001, en vue d’améliorer les décisions et de combler certaines lacunes antérieures. Il reste que, en pratique, le lien de cause à effet entre le dommage subi et les faits incriminés n’est pas facile à démontrer.
mercredi 13 février 2008
Foire du Livre de Bruxelles 2008
Je pourrai bientôt vous en dire plus sur une autre publication, un ouvrage collectif dans la collection "J'écris ton nom..." des Editionc Couleurs Livres, qui sort à l'occasion des soixante ans de la Déclaration des Droits de l'Homme. Il sera en vente au stand de cette maison d'Edition, s'il sort à temps. J'avais des choses à écrire sur certains Droits de l'Homme en Belgique, que notre pays ne respecte pas. Alors j'ai pris une place dans ce livre, à côté d'autres auteurs. Je reviendrai sur ce sujet dans quelques jours...
samedi 9 février 2008
Le baiser de la mouche
Mille merci à tous deux!
Tout le monde aura deviné que la mouche domestique est un personnage d'une de mes nouvelles, plus précisément de la onzième. Je m'en voudrais d'en divulger l'énigme la veille de la sortie de mon recueil. Patience donc...vous ne perdez rien à attendre, au contraire. C'est paraît-il un récit léger comme la mouche peut l'être quand on l'invite au sein de notre vie parfois bien solitaire. Allons, un petit avant-goût quand-même...
L'été était largement entamé. Le beau temps chaud et insupportable souvent s'interrompait par un orage bref et terrible. Puis l'été reprenait après un ou deux jours de brume ou de pluie incertaine.
La chaleur ramenerait les mouches.
Il les attendait, exerçait son ouie à reconnaître le premier vrombissement lui annonçant leur retour dans le vide de la maison dont il aurait ouvert l'une ou l'autre fenêtre, toujours avec le désir d'y voir s'introduire une mouche, même petite'et qui irait se perdre dans le voile d'un rideau. Une de plus qui rejoindrait celles restées d'avant l'orage, oubliées dans la température tiède de la maison, alors que le temps dehors avait fraîchi. Rien ne valait la chaleur étouffante qui écrasait les murs blancs. Les mouches jouaient dans la lumière, étincelaient de leurs ailes, écrivaient des cercles bleus qui faisaient vibrer l'air. Elles le reconnaissaient après l'avoir frolé, rapidement, puis avec plus d'insistance. Elles reniflaient son odeur, son odeur acide quand il avait transpiré au soleil...
Vous lirez la suite dans " La gondole de l'Orient Express".
mercredi 6 février 2008
Elégie pour un Kaléidoscope
Renée Compan-Julie, membre du Jury du prix Stephen Liégeard qui m'a été attribué le 25 septembre 2004 pour ce recueil de poèmes, a écrit notamment: UN HOMME QUI GARDE EN LUI SA JEUNESSE. C'est ce qu'on dit...J'aimerais bien que cela soit vrai. Et elle continue: "Vaisseaux fantômes glissant de tombe en tombe..." Oui! On devine la mer parsemée de ses ombres. Comment ne pas les percevoir dans la brume et la lenteur ? Pourquoi ne pas saisir un pan de leur mante et glisser avec elles jusqu'au rivage où les visages anxieux attendent ? Ce grand explorateur nous promène, de la pluie à la mer, aux marais même ! Sous sa plume, les mots tanguent, envoûtés. Bercés par les vagues moussantes de son esprit en éveil, il les fait vivre et nous les livre parfumés de son zèle.
Je pense qu'elle avait aimé un de mes anciens poèmes de jeunesse que j'ai envie de vous écrire, comme si je l'avais écrit hier seulement.
Repos dans l'eau
Sur les genoux de la mer je pose la tête
tel un voilier s'endormant dans la baie
et la houle berce mon sommeil
d'innocence
Une toute petite musique jaillit de moi
en flûtes minuscules
des étincelles crépitent
quand mes yeux rencontrent les étoiles
renversé dans la mer où je sombre
La mer m'accueille
la mer
la houle chaleureuse
bonne comme le pain du ciel
Au fond d'elle
au fond où les trompettes
se coulent s'estompent se dissolvent
je vais reposer
Auriez-vous pensé que les algues parfument
l'eau?
Auriez-vous pensé que les poissons se glissent dans
l'eau
comme des croissants de lune ?
Auriez-vous pensé au repos au fond de
l'eau
au repos que l'on ne trouve pas ailleurs
au repos des grands navires demâtés
aux gueules pleines de fleurs
et de noyés
au repos ?
Que de musiques j'entends
que vous ne pouvez entendre
dans les bras de sable et de limon
les yeux pleins de poissons
et d'odeurs sous-marines
Je suis las étendu ou presque
j'attends ou mort peut-être
avec toutes les musiques
mes secrets
que vous ne saurez jamais
Je ne vous dirai pas non plus
le nom de la fleur
que je serre sur mon coeur
que je serre entre mes doigts
un peu trop pour que ce soit peut-être
vrai
que je suis mort
au fond de l'eau
au repos
mardi 5 février 2008
lundi 4 février 2008
Le creux de l'Espoir
Je lis sur Chapitre.com, librairie que l'on recherche mon livre et qu'il est temporairement indisponible. Hélas, il est épuisé. En attendant qu'il soit réédité, j'ai pensé faire plaisir à l'un ou l'autre lecteur en publiant quelques textes dans mon blog. L'éditeur d'origine, mon ami Michel Cliquet, a fermé ses portes. La réédition pourrait donc bien se faire attendre!
Le creux de l'Espoir comporte 4 parties:
-Le creux de l'Espoir;
-Les fruits d'Or;
-Petit album du verger;
-La lucarne du ciel.
De ce recueil, Christian Bobin a écrit qu'il respirait comme une robe ou un feuillage.
Jean Chatard (Mensuel Littéraire et poétique): Quelques phrases, jetées sur les braises de la page, suffisent à nous transporter au-delà du poème, en ces lieux de recueillement où l'esprit, sans suppléer le Verbe, le conforte.
Emile Kesteman(Nos Lettres): poésie très charnelle, très suggestive et dont se dégage un je ne sais quoi d'ailé et de réellement incarné.
Jean Botquin gratte jusquà la veine de la pierre, comme le font depuis toujours les Orientaux qui ne croient qu'au geste dépouillé, décanté, du poète et du dessinateur. (Jacques De Decker, extrait de sa préface au creux de l'espoir).
Jean-Michel Klopp, Grand Duché de Luxembourg: il s'agit là d'une aventure poétique très originale...( présentation sur la radio de Thionville et la radio socioculturelle du Luxembourg).
Dans Florilège (Dijon):les jasmins au goût de poivre et les mots-nervures de l'âme, l'orchestre inutile et les vents de pierre marient leurs contradictions au sein d'une aspiration éthérée, fulgurante et vulnérable...
Quelques extraits du Creux de l'espoir:
Le temps du creux de l'espoir
ignore la vérité
Mots d'ivoire
sur les lèvres et sur le silence
de la joie
vous vous taisez
voue êtes sans voix
vous êtes interdits
Conjugaison des verbes aphones
exprimerez-vous
la beauté retrouvée?
Imparfaits des subjonctifs
où s'étale
l'écriture conditionnelle
Un petit extrait de "Les fruits d'or"
car
les mains sont
prioritaires
savantes
précises
douloureuses
de douceur passée
et d'avenir improbable
car
les mains sculptent
la vie
qu'elles enracinent
dans le rêve
Une petite chose de l'album du verger
Il y avait
tant de fenêtres
sur le verger
autant d'éclairs
dans les yeux
quand les fenêtres s'ouvraient
pour que s'éclipsent
les oiseaux qui lui gonflaient
le coeur
Un petit rien de la lucarne du ciel
Et sous la lucarne du ciel
notre bateau
vogue
face au grand vent
l'étrave
sépare l'enfance de la maturité
Extraits de "Le Passeur d'un fleuve trop court"
samedi 2 février 2008
Une Gondole à 18 passagers clandestins
Ce titre ne recouvrait qu’une seule nouvelle dont j’ai beaucoup parlé dans ce blog. Mon éditeur Mémorypress l’a choisie pour couvrir le recueil de textes que je présenterai à la FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES 2008 (du 5 au 9 mars à TOUR ET TAXIS), au stand du Service du Livre luxembourgeois.
Oui, 19 textes que j’espère passionnants, en tout cas déconcertants, inattendus et mystérieux, mais aussi troublants, émouvants et tendres.
Voici déjà, en avant première, la tranche, la couverture du livre et le texte de la quatrième in extenso. Environ 215 pages sous couverture pelliculée au prix de 16€.
QUATRIEME DE COUVERTURE
Dans certaines vies, il suffit d’un moment, d’une rencontre, pour que tout se modifie, pour que la passion peu à peu prenne la place et dévore tout. Cela pourrait vous arriver. Personne n’y échappe.
Au fil de ses nouvelles, Jean Botquin nous entraîne dans un itinéraire étrange où des amours, solaires ou ténébreuses, interdites ou bizarres, exacerbées en tout cas, emportent le lecteur. Les dieux antiques de la Méditerranée viennent
hanter les vivants. Les arbres et les eaux souterraines du Nord recèlent des secrets. Les trains rapides passent d’un horizon à l’autre. Les corps s’attirent et se repoussent, les obsessions se répondent.
Cet ouvrage, composé de textes publiés dans différentes revues entre 2000 et 2007 ainsi que de nombreux inédits, témoigne d’une grande unité d’inspiration. L’auteur se laisse dériver au gré de ses fantasmes, alliant une écriture sensible à des descriptions d’un réalisme épidermique.
Après sept recueils de poésie, trois romans et un récit, cet ensemble de 19 nouvelles est sa douzième publication en douze ans. Né en Flandre occidentale et établi au cœur de la région du Centre depuis dix ans, l’auteur allie de nombreuses influences littéraires qui en font un écrivain belge à part entière.