vendredi 27 janvier 2012

Un séjour en blanc. Haïkus de Jean Botquin

Vent en rafales

Sur les toits qui soupirent

Dans les soupentes



Interminables nuits

Dans les couloirs mystérieux-

L’hôpital gémit


Sous les fenêtres

Samedi passent des Gilles

Quelques gais lurons



Une infirmière rit

Mon fessier fait la grimace

Je me contracte

lundi 16 janvier 2012

Théâtre illusoire. Texte inédit de Jean Botquin


Théâtre illusoire



Théâtre des illusions

Ouvert sur une scène vide

Sans fond

Sans décors

Désert de nos maladies de vivre

Qui déborde dans nos alcôves

Où nous vivons endormis

Illusion de nos chambres ensablées



Théâtre sans protagonistes

Planté dans le vide de nos cerveaux

Dépeuplé

Où marche la mort qui nous guette

Invisible rodeuse hantant nos pupilles

Et les battements du cœur

Qui peuvent s’interrompre

Si elle voulait nous suspendre



Et quand nous aurons quitté ce théâtre

Dont le rideau s’est ouvert

Sur le miroir de l’inexistence

Quand nous aurons soufflé

La flamme éclairant le vide de la scène

Et après

Dans quel autre théâtre serons- nous surpris

Par la langueur des anges.

Haïkus du mois de janvier



Merle et corbeau dansent

Une ronde noire quand l’orfraie jaune

Pousse des cris stridents



Des tambours en rue

Font claquer tous les sabots

Des Gilles en sarrau

dimanche 15 janvier 2012

L'identité.


Ton identité s’enfonce dans la lumière et je caresse l’obscurité.

Henri Falaise



L‘identité

(Brève inédite de Jean Botquin)



Il cherchait son identité.  

Ce qui le différenciait des autres. Ce qui faisait qu'il était lui, et pas un autre. Il s'appelait Anselme. Ce nom lui plaisait. Il n'avait jamais rencontré un autre Anselme. Il pensait  qu’il était unique. On ne pouvait donc pas le confondre. C'était rassurant. Néanmoins, il n'était pas sûr que ses parents ne se fussent pas trompés de nom à sa naissance. Autrement dit, il était peut-être le fruit d’une erreur. Comment savoir s’il existait vraiment.

Quand il était petit, il allait se baigner dans la rivière avec Théodore, son cousin. Théodore était circoncis. Il était convaincu qu’il était né comme ça et fier de montrer son gland tout rose et lisse à Anselme qui était muni d’un capuchon inutile. « Tu devrais te faire enlever ce bout de peau. C’est laid et ça ne sert à rien »   

Ensemble, ils s'étaient regardés dans le miroir de la chambre des parents, un jour qu'ils étaient seuls. La petite différence mise à part, ils étaient pareils, la peau blonde, les yeux bleus, les jambes et les genoux identiques. Ils avaient plus qu'un air de famille. D'ailleurs, tous les garçons de la classe, à peu de chose près, étaient faits de la même manière, cela se voyait à l'oeil nu. Plus tard, quand Anselme commença à fréquenter les filles, il s'aperçut bien vite qu'elles se ressemblaient toutes, les unes plus grandes ou plus petites, les autres plus belles ou plus laides. Elles avaient le même goût et la même odeur, selon l'heure de la journée. En parlant des filles, la mère d'Anselme disait souvent: « La nuit tous les chats sont gris ».



Puisque tout le monde est pareil, que les différences sont vraiment insignifiantes, pourquoi s'en faire ? Mais lui continuait à s'en faire, au fil des années, c'était plus fort que lui. Il ne voulait pas être confondu comme le passe-muraille avec le mur qu'il traverse. Il disait: « Suis-je au-delà  du point où l'on se trouve quand on est passé ou sur le point de passer le pas de son trépas ?» Ou encore: « Les gens confondent la peau d'âme avec la peau d'âne... ». Cela ne voulait strictement rien dire. Personne ne le comprenait. Pour qui se prenait-il ? De plus, souvent, il se surprenait à copier les autres, surtout ceux qu'il aimait ou qu'il redoutait. La façon de parler, de s'habiller, d'écrire, de manger, de fumer. Il faisait de grands gestes comme son patron, terminait ses phrases avec un sourire de maître à penser. C'était ridicule et vraiment contradictoire! A défaut d'avoir une identité, il squattait celle des autres ou ce qu'il croyait en être une, car si les autres étaient comme lui , il n'avait pas grand- chose à leur emprunter.



 Après, quand il était seul et qu'il interrogeait son miroir, il devait s'arracher à l'apparence dont il s'était revêtu comme on retire le gant dont on a emprisonné les cinq doigts de la main.


La psychanalyste d'Anselme ressemblait à sa mère. Elle se taisait beaucoup, peut-être parce qu'elle n'avait pas grand-chose à dire. Anselme, lui, parlait sans s'arrêter. Un jour il lui parla du Père et du Fils. Le premier ne reconnaissait plus le second crée pourtant à son image. Anselme se demandait si le second n'avait pas enfin trouvé son identité. Une fois n'est pas coutume, la psychanalyste soupira profondément en suggérant une question: « Peut-être faudrait-il se demander si l'identité n'est pas assimilable à la similitude ».

Les psychanalystes, quand ils parlent, n'en disent pas plus que quand ils se taisent.




dimanche 8 janvier 2012

Etre. Texte inédit de Jean Botquin


Être



Il voulait être

Alors qu’il n’était rien



Îlot antinomique d’illusions

Accouplement d’âme et de corps

Isthme entre noyau et fruit

Entre pulpe et peau

Synthèse pacifique

Pont à contrepoids



Il voulait être

Alors qu’il n’était plus rien



Exil de soi

Fuite en avant

Avant la mort immobile

Contraire de soi

Même le mensonge des autres

À défaut d’être soi-même



Quatre lettres.






mardi 3 janvier 2012

Haïkus du nouvel an


 

Haïkus du nouvel an



Toutes les feuilles

Sont tombées mais la neige

Attend l’an nouveau



Le matin se lève

Un sourire bleu aux lèvres

L’espérance culmine



Colliers de haïkus

Au cou des princesses naissant

Des brumes océanes



Les haïkus aussi

S’envolent – oiseaux migrateurs

Aux ailes repliées