vendredi 27 février 2015

Les lettres ne battent plus des cils. (suite et fin)

Les lettres ne battent plus des cils (suite et fin)
-15-
Avant
c’était le temps où ils dansaient le soleil
derviches des étoiles tournant sur eux-mêmes
projetant la blancheur des mots
vers l’extérieur de toutes les mesures
mourant du néant
pères des équations impossibles
germinateurs du terreau des extrêmes
poussant les espoirs du dedans vers la lumière
sans craindre de l’obscurcir
-16-
Avant
Les poètes occultaient leur solitude
dans le ventre des femmes
telles des matrices soudaines où se réfugiait
les rires de l’angoisse
alors que leur sang se nourrissait de riz vert
comme des sorciers fusionnant les particules
de l’univers
-17-
Temps du désir
Aurore et crépuscule de dieux immortels
Aubes d’abstinence de la sagesse refoulée
par l’attente
-18-
Apprendre à se taire
Désapprendre les jambages de l’écriture
Fendre le regard
Briser l’écoute où palpite l’arrière goût
des gorgées trop pleines
Lécher la brillance dont l’odeur se répand
à l’intérieur du cœur
Toucher le fond du mystère avec des pinces de diamant
J.B. in Bréviaire du quotidien (Éditions du Cygne Paris)

jeudi 26 février 2015

Les lettres ne battent plus des cils (suite)

Les lettres ne battent plus des cils (suite)
-14-
Avant
c’était il y a longtemps
de l’autre côté de la rive
avant de traverser le pont par lequel
ils osaient s’aventurer
loin
au-delà des mirages d’Afrique ou d’Asie
loin des frontières inviolables de l’Antarctique
J.B.
Turquie 2010

dimanche 22 février 2015

Les lettres ne battent plus des cils (suite)

Les lettres ne battent plus des cils (suite)
-11-
La chair de l’introït
au-dessous de la soie des apparences
ne dirait plus les pores des sensations antérieures
ni la simplicité des verbes
que dictaient les fossoyeurs d’orient
Tous les poètes s’étaient trompés de soleil
à l’ouest de leurs croyances
C’est ce que tous croyaient
-12-
L’absence de tous leurs sens surviendrait
Comme l’absinthe dans leurs veines
Les millénaires inutiles perdus dans le balbutiement
des langages apparaissaient comme des mystères
non élucidés
Ils avaient abouti
nulle part
-13-
Goutte à goutte les mots s’étaient perdus
sous les voûtes
à la quinconce des douves
ils se couvriraient de nénuphars géants
à l’orée des roseaux
les orchidées jaunes oublieraient leur nom
Les mots seraient comme pièces de monnaie
dans une urne qu’on ne viderait jamais
les mots se détruisaient d’eux-mêmes
volatiles insaisissables
dans des rayons de soleil
miroirs sans reflets
sourds devant la cécité des poètes
J.B.

vendredi 20 février 2015

LES LETTRES NE BATTENT PLUS DES CILS. (SUITE)


Les lettres ne battent plus des cils (suite).
-6-
Sur la terre de Babel
s’érigeaient des totems
aux allures de roses trémières monstrueuses
dont les bourgeons ne feraient
plus que se taire
Bientôt ils seraient remplacés
par des obélisques montrant du doigt
les hiéroglyphes imprononçables
sur lesquels leurs yeux aveugles
se décilleraient en vain
-7-
Devenues insensibles au toucher des langages
et au goût râpeux des syllabes
les papilles des poètes racleraient
l’ivoire des paroles jusqu’au sang
des gencives
Rien n’y faisait
Il était temps de se taire
-8-
Jadis la langue avait la saveur
du sexe de l’homme ou de la femme
Les mots étaient reconnaissables à leur odeur
Ils étaient fluides et denses
Leur peau s’imprégnait
dans les vibrations des cordes vocales
qui leur donnaient une sonorité
de guitare
-9-
Désormais les mots commenceraient à s’ignorer
Ils ne se regarderaient plus
Leurs yeux seraient exorbités
L’esprit convulsé devant la violence
des formes étrangères
alphabets cyrilliques
écritures coufiques
onomatopées syncopées
miaulements de cordes aux archets de papier
-10-
Dans leur nudité
les mots n’osaient plus se montrer
asexués dans leurs rêves
sans ivresse ni magie
déparfumés évaporés délétères
les mots dont les lettres ne battaient plus des cils
J.B.
Désert de Wadi Rum
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lundi 16 février 2015

Les lettres ne battent plus des cils (suite)

Les lettres ne battent plus des cils
-3-
Ils tendaient des filets
au travers des vallées
afin de les piéger
comme des oisillons
tombant de nids inaccessibles
Ils ouvraient la bouche
et le creux des oreilles
abasourdies
pour leur sucer la moelle
-4-
Certains tentaient de boire
cette pluie étrangère
qui se mélangeait à leur salive
et formait une onde de paroles
incompréhensibles
Ils avaient perdu l’écoute des pétales
pétrifiés par la peur
Ils avaient désappris les moissons
Ils étaient muets dans la profondeur
où s’éteignent les signes de vie
-5-
Devant l’incertitude des vocabulaires
les astres avaient cessé de vibrer
Des lettres tourbillonnaient
telles des feuilles mortes
dans le vent
La scansion des mots
ne traduisait plus celle
des chants intérieurs
oubliés
J.B.
Dans le désert de Wadi Rum

dimanche 15 février 2015

Les lettres ne battent plus des cils

Les lettres ne battent plus des cils
-1-
Du haut des falaises
se précipitaient les derniers langages
dans le vide des questions
et leur évanescence
-2-
Les poètes portaient l'ombre
de leur couleur sur le visage
Les messages les éclaboussaient
d'écume
dont se déplumaient
les ailes d'anges
J.B. Dans le Wadi Rum (Jordanie)

mardi 10 février 2015

Mer morte

La mer morte repeint
Ses rives à la saumure-
Cisjordanie bleue
J.B. 2010

dimanche 8 février 2015

Poésie du matin.

Ce matin
quand je me suis éveillé
le saule dansait dans le jardin
son feuillage valsait autour de son tronc
comme un pagne africain
oui un feuillage en hiver ça n’arrive que dans mon jardin
le noyer se trémoussait en le regardant sous le soleil levant
lui était nu encore tout effeuillé
la nature est bien injuste
tout pour les uns rien pour les autres
le vent soufflait assez fort
le mobile tournicotait autour de lui-même
marianne me dit retourne dans ton lit
tu rêves
tu crois
tu n’as pas bien regardé le sorbier lui aussi s’est mis à danser
après tout pourquoi pas me répondit-elle
si ça peut te faire plaisir
je vais les rejoindre
et elle entama une valse lente avec un rayon de soleil.
J.B. dimanche 8 février 2015