mercredi 4 mai 2016

Oasis

 À Mohamed El Jerroudi.
Oasis
Je me brûle les pieds jusqu'à tes parois de sable
Je marche vers toi avec ma soif d'aimer
les lèvres desséchées par la poussière de la haine
Je me brûle les mains dans mes tâtonnements
d'aveugle que le soleil harcèle
Je me brûle la peau pour atteindre ta fraîcheur
différence arrachée au souffle torride du chergui
chargé des brûlures du grand Erg éternel
Césure profonde de ton corps de femme
balancement de palmes et verdeur inespérée
bouche béante comme une source
jaillissant du sein de la terre
Concert inattendu dans le désert de silence
et dans la nuit aux myriades d'étoiles
qui me recouvre de sa djellaba noire
au capuchon argenté par la lune
les pieds rafraîchis par le sable tiède
des ruelles du ksar où traînent des moutons bêlants
et des chiens au teint de chacal
tandis qu'Allah se plie aux caprices
du Muezzin qui répète combien il est grand
Oasis, ton visage apparaît dans le mirage de chaleur
vibrant au creux de ma mémoire dont tu t'évades
vallée de palmiers-dattiers
dont j'imagine les fruits de soleil
de sucre et de miel
fouillis inextricable de lauriers roses
cultures prises au filet
des canaux qui les irriguent
eaux sourdant de partout comme des vérités éphémères
pour abreuver les racines
et mourir dans les sables
dont tu surnages, oasis, comme par miracle
Oasis, avec tes champs de maïs
aux épis dorés
Oasis, comme un dernier refuge
avant l'enfer où je me brûle
la plante des pieds et les mains
qui t'abandonnent
femme étendue qu'un jour ou l'autre il faut quitter
A cause du nectar dont est remplie
la source de tes yeux
à cause de tes formes qui épousent
les failles de la terre
que tu caches sous l'opulence
momentanée peut-être provisoire
de ton paradis terrestre
menacé de toutes parts
Femme, comme une île
qui accueille les naufragés
ceux qui soudainement se brûlent la peau
à ta sensibilité
à tes frémissements
à tes murmures sous les palmes
de tes sources bleues aux poissons sacrés
ceux qui se brûlent à ta fraîcheur
parce que tu es l'exception
à laquelle personne n'est préparé
parce que tu es la plaie verte de la solitude
où croisent les caravanes
celles qui ressemblent à ces vaisseaux fantômes
sur la mer
dont notre sensibilité à tout jamais porte la marque
caravanes de souvenirs dont tu brises
la marche
Oasis, comme un arrêt dans la fatigue
des grandes étendues
Foum
ouverture sur la plaine
sur la chaleur des pierres
où je me brûle les pieds jusqu'à tes parois de sable
avec ma soif d'aimer
les lèvres desséchées par la poussière de la haine
où je me brûle les doigts
à vouloir t'arracher, femme, de mon cerveau
où je t'avais plantée comme une oasis
dans le désert des terres hostiles
J.B. in Triangles de la nuit des temps
ouvrage préfacé par son excellence Monsieur l'Ambassadeur du Maroc, Mohamed Rachad Boublal.
éditions Mémory Press 1998
Illustré par la peintre Thérèse Van Beveren
J’aimeAfficher plus de réactions
Commenter

Aucun commentaire: